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« La vie se joue de manière dialectique entre vulnérabilité et autonomie »

Fabienne Jan, collaboratrice scientifique

Dario Spini dresse en quelques mots un bilan du PRN LIVES et nous parle aussi de la poursuite de ses activités, notamment par le biais du Centre LIVES. Mini-entretien.

Cette année, vous fêtez les douze ans du PRN LIVES, anniversaire qui marque aussi la fin du financement par le Fonds national suisse (FNS). Que va-t-il advenir des activités du pôle LIVES ?

Elles se poursuivent ! La transition est assurée par la création du Centre suisse de compétence en recherche sur les parcours de vie et les vulnérabilités (Centre LIVES), basé aux Universités de Lausanne et de Genève. Par ailleurs, la plateforme LIVES Social Innovation, portée par la HES-SO et le Centre LIVES, se consacre à l’impact de la recherche sur la société et promeut les échanges avec les professionnel·le·s. Le Centre LIVES poursuivra ainsi les activités de recherche, de formation de la relève et de valorisation de la recherche sur les parcours de vie. La transition est également assurée par un renouvellement de la direction. Le professeur Eric Widmer et moi aurons comme successeur·e·s le professeur Daniel Oesch (directeur, UNIL) et la professeure Clémentine Rossier (codirectrice, UNIGE) dès le 1er janvier 2023.

Quand on est nommé directeur d’un projet si vaste, comment s’y prend-on ? Peut-on encore faire de la recherche soi-même ou est-on entièrement accaparé par des tâches d’organisation et de gestion ?

Une telle aventure est possible uniquement en s’entourant de collègues et de collaborateurs et collaboratrices aux multiples compétences. Je ne peux que remercier ici les quelque 450 personnes qui ont participé à cette aventure collective. Au niveau plus personnel, mon rôle professionnel a évidemment changé avec une partie non négligeable dévouée au management du PRN LIVES, une responsabilité pour laquelle je n’avais pas été préparé. Cependant, nos recherches ont pu se développer grâce à mon équipe et à mes collègues en Suisse comme à l’international. Là aussi, le maître-mot a été pour moi le collectif et les collaborations.

Le maître-mot a été pour moi le collectif et les collaborations.

Estimez-vous avoir pu faire le tour de la question des vulnérabilités pendant ces trois périodes quadriennales ?

Lorsqu’on a commencé, certain·e·s expert·e·s nous demandaient pourquoi étudier la vulnérabilité dans un pays aussi riche que la Suisse, comme s’il n’y avait rien à faire. En suivant des bouts de vie de milliers de personnes en Suisse, LIVES a montré que la vulnérabilité n’est pas spécifique aux pays pauvres ou à des populations en situation d’extrême vulnérabilité, mais qu’elle est une composante essentielle de tout parcours de vie. La vie se joue de manière dialectique entre vulnérabilité et autonomie ou résilience. C’est ainsi que nous avons analysé de multiples trajectoires, y compris celles de personnes qui, a priori, ne sont pas considérées comme vulnérables, telles que certains cadres de multinationales dont l’hypermobilité risque pourtant de nuire à la vie familiale. Nous avons défriché un énorme champ de recherche et il y a encore du travail, tant la richesse et la complexité des parcours de vie sont grandes. 

Lorsqu’on a commencé, certain·e·s expert·e·s nous demandaient pourquoi étudier la vulnérabilité dans un pays aussi riche que la Suisse, comme s’il n’y avait rien à faire.

Quels auront été les acquis les plus significatifs du PRN LIVES ?

LIVES a montré que de multiples stresseurs et événements de vie jalonnent les parcours, et que, face à eux, les individus s’adaptent plus ou moins bien en fonction de leurs ressources et réserves psychologiques et sociales. Nos analyses ont en outre permis de mettre en évidence le rôle que jouent les facteurs à long terme (adversités dans l’enfance, éducation) ainsi que les facteurs structurels d’inégalités socio-économiques ou de genre. Nous avons pu montrer par ailleurs que les politiques sociales, tout en soutenant les bénéficiaires dans leur parcours, peuvent aussi être dans bien des cas un stresseur supplémentaire.

Nous avons pu montrer par ailleurs que les politiques sociales, tout en soutenant les bénéficiaires dans leur parcours, peuvent aussi être dans bien des cas un stresseur supplémentaire.

Questions : Fabienne Jan

À propos du PRN LIVES

Comment les individus font-ils face à un monde en mutation ? Synonyme d’allongement de la durée de vie et d’augmentation du confort matériel, le développement des sociétés postindustrielles est également source de nouvelles menaces entravant l’épanouissement de nombreuses personnes. Confrontés aux modifications des repères familiaux, religieux ou identitaires, fragilisés par les mutations qui caractérisent l’activité économique sur une planète mondialisée, nombreux sont ceux et celles qui se sentent ou qui se trouvent réellement en situation de vulnérabilité. Le Pôle de recherche national « LIVES – Surmonter la vulnérabilité : perspective du parcours de vie » (PRN LIVES) étudie les effets de l’économie et de la société postindustrielle sur l’évolution de situations de vulnérabilité par le biais d’études longitudinales et comparatives. Le PRN LIVES vise à mieux comprendre l’apparition et l’évolution de la vulnérabilité ainsi que les moyens de la surmonter pour favoriser l’émergence de mesures sociopolitiques innovantes.

Le PRN LIVES a démarré ses activités en janvier 2011 sous la direction du professeur Dario Spini. Le professeur Éric Widmer en assure la codirection. Le pôle de recherche est financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) pour une durée de douze ans et porté conjointement par les Universités de Lausanne et de Genève. Afin de pérenniser les activités et projets de recherche du PRN LIVES, le Centre LIVES a été lancé en 2019. 

Liens

PRN LIVES : lives-nccr.ch/fr

Centre LIVES : https://www.centre-lives.ch/fr

Widmer, Éric D. (2022) : Quelques réflexions sur le temps dans la perspective des parcours de vie. https://doi.org/10.5281/zenodo.6358315