Les humanités digitales sont actuellement en phase d’institutionnalisation et de régulation en Suisse. Savoir s’il vaut la peine d’aborder les sujets des sciences humaines et sociales avec des méthodes numériques est une question fondamentale qui, en Suisse, semble avoir été tranchée en faveur des humanités digitales, écrit Beat Immenhauser, Secrétaire général adjoint de l’ASSH, dans un article publié récemment.
Selon Gerhard Lauer, directeur du Digital Humanities Lab à Bâle, les innovations dans ce processus viendraient davantage de la marge que de la communauté établie des chercheuses et chercheurs en sciences humaines. En tous les cas, durant les quinze dernières années, c’est-à-dire depuis qu’il travaille dans ce domaine, Gerhard Lauer a constaté très peu de contributions constructives à la discussion des méthodes dans les humanités numériques émanant des chercheurs et chercheuses en sciences humaines, ainsi qu’il l’a déclaré au magazine Uni Nova (interview de 2018).
Réseau international : la Suisse devient membre de Dariah
Les entreprises de recherche à long terme constituent un pilier important des humanités numériques. Elles gèrent aussi bien les données que les résultats de la recherche et les mettent à la disposition de la communauté scientifique sur le long terme. La mise en réseau internationale des chercheuses et chercheurs, des données, des idées et des institutions joue un rôle central à cet égard.
En novembre, la Suisse a rejoint le réseau européen des infrastructures de recherche numériques pour les sciences humaines, Dariah, avec le statut de membre observateur. La demande d’adhésion a été acceptée lors de l’Assemblée générale de Dariah le 11 novembre. La Suisse est représentée à Dariah par le Fonds national suisse (FNS) et la coordination est assurée par le Data and Service Center for the Humanities (DaSCH) à Bâle. La participation de la Suisse est un jalon important pour le consortium Dariah-CH, qui a été fondé en 2018 et qui comprend sept hautes écoles ainsi que l’ASSH.
Il y a également des avancées du côté de Clarin (Common Language Resources and Technology Infrastructure), le pendant de Dariah pour les disciplines travaillant avec des données linguistiques numériques : le 18 décembre 2020, le consortium national Clarin-CH a été formé, et la prochaine étape consistera en la préparation de la demande d’affiliation en tant que membre observateur auprès de Clarin-EU.
Améliorer la visibilité des entreprises de recherche à long terme
L’ASSH est l’une des plus importantes organisations de soutien aux infrastructures de recherche à long terme en Suisse (cf. factsheet de 2017). Elle souhaite par ailleurs fournir des repères dans le paysage parfois confus des initiatives et projets dans ce domaine. À cette fin, elle collabore depuis 2016 avec l’Union des académies allemandes des sciences, qui développe depuis 2015 un portail des académies sous le titre « A European Science Academies Gateway for the Humanities and Social Sciences » (Agate).
Agate gère une base de données qui, pour l’Allemagne, répertorie actuellement 279 entrées d’éditions à long terme, de collections, de dictionnaires et de dépôts de données. Pour la Suisse, une soixantaine de projets ont été identifiés jusqu’à présent, dont 23 sont déjà enregistrés : il s’agit par exemple de plateformes telles qu’« Année Politique Suisse » et « Documents diplomatiques suisses » ou de projets d’éditions numériques, comme l’édition des œuvres complètes de l’historien de l’art Heinrich Wölfflin ou celle des manuscrits tardifs de Friedrich Nietzsche.
Transfert de huit éditions du FNS à l’ASSH
En 2021, lʼASSH reprend huit éditions du FNS. Il s’agit des projets suivants : la collection des sources du droit suisse, l’édition bâloise de la correspondance du mathématicien Bernoulli, l’édition Johann Caspar Lavater, l'édition des œuvres complètes dʼAnton Webern, le catalogage des manuscrits médiévaux et prémodernes conservés en Suisse, l’édition critique Robert Walser, l’édition Gotthelf, le fonds littéraire Karl Barth.
En collaboration avec les partenaires des projets, les demandes centrales de lʼOpen Science Initiative telles que formulées dans l'Open Science Policy de l'ASSH devront être réalisées. Le transfert des éditions du FNS à lʼASSH représente en outre une nouvelle étape pour la clarification des compétences dans le paysage fragmenté de lʼencouragement suisse : le FNS reste responsable des éditions dʼune durée inférieure à 12 ans tandis que lʼASSH est en charge des projets à plus long terme.