Comment les dépenses publiques en matière d’éducation, qui représentent 18 % des dépenses publiques totales, ont-elles évolué cette dernière décennie ? Quelles sommes sont allouées à l’école obligatoire ? Combien pour l’enseignement supérieur ? Une nouvelle étude de l’Académie suisse des sciences humaines et sociales (ASSH) fournit un état des lieux et révèle les chiffres de la décennie 2008-2018. Elle le montre : l’augmentation des dépenses publiques d’éducation est légèrement plus élevée dans le secteur de l’enseignement supérieur que dans celui de l’école obligatoire, et les cantons ont adopté des stratégies très variées pour ajuster leurs dépenses en matière de formation à l’évolution démographique. Il faudrait accorder la priorité à l’enseignement obligatoire si l’on veut atteindre le progrès social et exploiter pleinement le potentiel humain. À considérer l’évolution du financement public, des améliorations sont encore possibles.
Depuis son inflexion due à la pilule dans les années 1960, la natalité en Suisse s’est stabilisée à un faible niveau. La part de la population âgée va progresser continuellement dans les vingt prochaines années, entraînant ainsi une hausse des coûts dans le domaine des soins et de la prise en charge. La Suisse accuse d’ores et déjà un déficit de personnel dans le secteur de la santé. En un mot : nous avons besoin de toujours davantage de mains, mais nous en avons toujours moins à disposition. Il est évident que nous devrions investir plus fortement dans le capital humain et moins dans le stock de capital.
Investir dans le capital humain signifie à long terme aussi investir dans l’école obligatoire. Menée pour le compte de l’ASSH, l’étude « Investieren wir genügend in die Volksschule ? Entwicklung der öffentlichen Bildungsausgaben für die Volksschule und den Hochschulbereich 2008–2018 » fournit une vue d’ensemble de l’évolution des dépenses publiques d’éducation pour l’instruction obligatoire et pour l’enseignement supérieur sur la décennie 2008-2018.
Principaux résultats en bref
- L’augmentation des dépenses publiques en matière d’éducation est plus élevée dans le secteur de l’enseignement supérieur que dans celui de l’école obligatoire : en 2018, les cantons et leurs communes ont alloué 19,1 milliards de francs à l’enseignement obligatoire (écoles spéciales comprises), ce qui correspond à une hausse des dépenses de 27 % depuis 2008. Sur la même période, les dépenses annuelles de la Confédération et des cantons pour l’enseignement supérieur se sont accrues d’un bon tiers (34 %) pour s’élever à 8,4 milliards de francs.
- Les cantons choisissent différentes stratégies pour ajuster leurs dépenses en matière d’éducation à l’évolution démographique : ces dernières années, un bon tiers des cantons et communes ont augmenté bien plus fortement leurs dépenses dans le secteur de la scolarité obligatoire que dans celui de l’enseignement supérieur. Dans un autre tiers, la courbe de croissance des dépenses, que ce soit pour l’école obligatoire ou pour le degré tertiaire A (formation académique), est inférieure à la moyenne. Certains cantons comme Bâle-Campagne, le Valais ou Zoug ont augmenté leur enveloppe pour l’enseignement supérieur dans une proportion bien supérieure à la croissance du nombre d’étudiant·e·s, tout en investissant moins pour l’école obligatoire. Les cantons de Bâle-Ville, Vaud et Zurich ont adopté quant à eux une stratégie inverse : la hausse de leurs dépenses pour l’école obligatoire dépasse de loin l’évolution du nombre d’élèves.
- Hausse des dépenses en matière d’éducation par habitant·e : dans un tiers des cantons environ, les dépenses publiques d’éducation par personne ont augmenté plus fortement dans le secteur de la scolarité obligatoire que dans celui des hautes écoles et de la recherche fondamentale. Dans deux tiers des cantons, c’est l’inverse : les montants investis par personne pour l’enseignement supérieur ont plus fortement augmenté que ceux consacrés à l’école obligatoire. Dans la majeure partie des cantons de ce groupe, la hausse des dépenses par habitant·e pour le degré obligatoire a été inférieure à 10 %.
- Les dépenses publiques par élève de la scolarité obligatoire ont plus fortement augmenté que celles par étudiant·e : en 2018, les cantons et leurs communes ont versé en moyenne un peu plus de 20 000 francs par élève du degré obligatoire, soit 22 % de plus qu’en 2008. L’État débourse annuellement 34 397 francs par étudiant·e du degré tertiaire, une somme en légère baisse depuis 2008 (-2 %).
Des améliorations sont encore possibles
Il est largement reconnu que la pénurie actuelle de personnel qualifié est systémique. Les données des enquêtes fédérales auprès de la jeunesse 2019 ch-x montrent que la proportion de jeunes adultes sans formation du degré secondaire II a presque doublé (pour atteindre environ 11 %) depuis les enquêtes de 2010-2011 et 2014-2015. La tendance va dans la mauvaise direction et la situation liée à la pandémie de Covid-19 ne va sans doute pas arranger les choses, bien au contraire.
Cette situation a de vastes implications, en particulier aussi pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable (Sustainable Development Goals SDGs) de l’Agenda 2030. Afin d’atteindre les objectifs sociaux de l’Agenda 2030, de réaliser le progrès social et d’exploiter pleinement le potentiel humain, la formation élémentaire de l’école obligatoire devrait se voir accorder une importante toute particulière. À considérer l’évolution du financement public, des améliorations sont encore possibles.
Schmidlin, Sabrina et Francesco Montemurro (2021) : Investieren wir genügend in die Volksschule? Entwicklung der öffentlichen Bildungsausgaben fü die Volksschule und den Hochschulbereich 2008–2018. Studie im Auftrag der Schweizerischen Akademie der Geistes- und Sozialwissenschaften, Bern. http://doi.org/10.5281/zenodo.4778686