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L'ASSH décerne le Prix de la Relève 2024

Stella Noack
Communiqué de presse

Deux historiens, une politologue et un juriste ont remporté le Prix de la Relève de l’Académie suisse des sciences humaines et sociales, doté d’un montant total de 18 000 francs.

Le Prix de la Relève or a été décerné aux historiens Philipp Krauer et Bernhard C. Schär (Université de Lausanne), le Prix argent à la politologue Tabea Palmtag (Université de Zurich) et le Prix bronze au juriste Christapor Yacoubian (Université de Bâle).

Philipp Krauer et Bernhard C. Schär se sont intéressés aux mercenaires suisses au service de l’armée coloniale néerlandaise. Tabea Palmtag a, pour sa part, étudié le lien entre la croissance économique et le bien-être individuel. Enfin, Christapor Yacoubian s’est penché sur la question de savoir si la législation suisse en matière de responsabilité était adaptée face à la révolution numérique.

Chaque année, l’Académie suisse des sciences humaines et sociales (ASSH) décerne son Prix de la Relève à trois articles scientifiques remarquables rédigés par des chercheuses et chercheurs. Le jury, composé de dix membres, sélectionne les lauréat·e·s au terme d’une procédure d’évaluation en trois étapes. Les gagnant·e·s reçoivent au total 18 000 francs.

Or : Les dimensions socio-économiques de l’histoire coloniale

Les Pays-Bas ont été l’une des plus importantes puissances coloniales à partir du XVIIe. Pour soutenir leurs expansions fulgurantes, ils dépendaient de centaines de milliers d’hommes des forces armées de toute l’Europe. La perspective d’une pension à vie leur a permis d’enrôler des mercenaires, y compris en Suisse.

Le jury du Prix de la Relève récompense les historiens Philipp Krauer et Bernhard C. Schär pour leur mise en lumière des « dimensions économiques et de la prospérité des armées coloniales, qui jusqu’à présent avaient été peu étudiées ».

Avec cette distinction, le jury honore également le vaste travail de recherche des auteurs. À partir de documents provenant de quinze archives suisses et étrangères, Philipp Krauer et Bernhard C. Schär ont montré les sommes d’argent des colonies versées aux mercenaires suisses, les raisons de ces versements, le déroulement des transactions et les bénéficiaires.

Les mercenaires suisses revenaient rarement au pays les poches pleines. Souvent, en cas de décès, ils laissaient à leurs proches à peine plus que ce qu’un artisan gagnait en deux jours de travail. Seuls ceux qui avaient servi dans l’armée coloniale néerlandaise entre douze et vingt ans avaient droit à une pension. Les droits à une pension et les successions ont eu des répercussions diverses. Dans certains cas, ils ont permis aux vétérans de mener une carrière politique au pays, comme ce fut le cas pour Louis Wyrsch, qui siégea à la Commission constitutionnelle en 1848. Dans de nombreux autres cas, les pensions les ont protégés de la pauvreté la plus extrême. 

Lauréats : Philipp Krauer et Bernhard C. Schär

L’historien Philipp Krauer a obtenu son doctorat en 2021 à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ). Il a rédigé sa thèse dans le cadre du projet du Fonds national suisse (FNS) « Swiss Tools of Empire. A transnational history of mercenaries in the Dutch East Indies, 1814-1914 », dirigé par Bernhard C. Schär. Sa thèse « Swiss Mercenaries in the Dutch East Indies. A Transimperial History of Military Labour, 1848-1914 » est parue début 2024. Il est chercheur associé au sein du groupe de recherche Eccellenza FNS « A Collaborative History of Global Switzerland » à l’Institut d’études politiques de l’Université de Lausanne et travaille aux archives cantonales schwyzoises.
 

L’historien Bernhard C. Schär est professeur Eccellenza FNS à l’Université de Lausanne depuis 2022. À l’Institut d’études politiques, il dirige un groupe de recherche international qui se consacre au thème « Moral and economic entrepreneurship: a collaborative history of global Switzerland (1800-1900) ». L’exposition « Résistances. Comment aborder le racisme à Berne », dont il est cocurateur, est actuellement visible au Musée d’Histoire de Berne. Jusqu’en 2021, il a travaillé comme maître-assistant à la chaire d’histoire du monde contemporain à l’EPFZ.

Krauer, Philipp et Schär C., Bernhard (2023) :  Welfare for War Veterans. How the Dutch Empire Provided for European Mercenary Families, c. 1850 to 1914, in: Itinerario 47,2, pp. 223–239. https://doi.org/10.1017/S0165115323000141

Argent : La croissance économique régionale et le bien-être subjectif

La politologue Tabea Palmtag a cherché à savoir qui profite de la croissance économique et qui n’en bénéficie pas. Elle a examiné la question dans des pays d’Afrique subsaharienne.

Dans son étude, elle démontre qu’aucun lien direct ne peut être établi entre la situation économique générale d’un pays et la satisfaction économique de ses habitant·e·s. Le bien-être individuel est évalué de manière très différente – dans les régions où l’économie est florissante également. Ce sont principalement les personnes hautement qualifiées qui profitent de conditions locales favorables. Les travailleuses et travailleurs moins qualifié·e·s considèrent que leur niveau de bien-être reste faible.

Tabea Palmtag a utilisé des données de l’éclairage nocturne pour mesurer l’activité économique des régions étudiées. Elle les a recoupées à des résultats d’enquêtes géocodées de 36 pays. Les personnes interrogées devaient indiquer si elles étaient satisfaites de leur situation économique. 

Les résultats de l’étude mettent en évidence l’importance d’une politique économique locale pour permettre une croissance inclusive et préserver la cohésion sociale. Outre sa pertinence sociopolitique, le travail de recherche a particulièrement convaincu le jury par son « approche méthodologique innovante ».

Lauréate : Tabea Palmtag

La politologue Tabea Palmtag a obtenu son doctorat en 2020 à l’Université de Zurich, avec une thèse sur l’économie politique des protestations. Depuis, elle travaille comme postdoctorante dans le cadre du pôle de recherche universitaire « Equality of Opportunity » et étudie la perception et la politisation des inégalités. Grâce au soutien d’une bourse postdoctorale de l’Université de Zurich, elle analyse les effets à long terme des conditions économiques et sociales locales sur les opinions politiques.

Palmtag, Tabea (2023) : The unequal effect of economic development on perceived labor market risks and welfare, in: Political Science Research and Methods, published online 2023, pp. 1–18. https://doi.org/10.1017/psrm.2023.47

Bronze : La législation suisse en matière de responsabilité face au numérique

Dans une maison de retraite, un robot d’entretien heurte une résidente. Le client d’une banque perd de l’argent, l’intelligence artificielle ayant suggéré à l’établissement une mauvaise proposition  de placement. Le home pour personnes âgées peut-il être poursuivi en justice pour cet accident et la banque pour l’erreur de son algorithme ?

Le juriste Christapor Yacoubian a cherché à savoir si des lacunes en matière de responsabilité pouvaient apparaître lorsqu’une personne ou une entreprise utilise des programmes informatiques ou des robots autonomes pour accomplir une tâche. Le droit suisse de la responsabilité civile tient compte du fait que les contractants font appel à des « auxiliaires d’exécution », qui réalisent une tâche à leur place. Néanmoins, lorsque la responsabilité pour les auxiliaires a été introduite, ceux-ci faisaient référence à des êtres humains. Les juristes estiment désormais que le droit doit être réformé pour éviter des dommages de responsabilité civile causés par des systèmes d’assistance. Christapor Yacoubian n’est pas de cet avis. Il montre qu’avec le droit en vigueur il est possible de traiter des systèmes d’assistance comme des personnes auxiliaires. Ce raisonnement par analogie – traiter des systèmes d’assistance de la même manière que des personnes auxiliaires et non pas en tant que personnes auxiliaires – ne laisse apparaître aucune lacune en matière de responsabilité. L’étude de Christapor Yacoubian est plus actuelle que jamais, souligne le jury : « Elle s’attaque à un sujet d’actualité pour la société et l’économie qui  n’avait pas encore été clarifié jusqu’ici. » La question de savoir si le droit suisse en vigueur est adapté à la révolution numérique a des conséquences économiques : tant que le problème de la responsabilité ne sera pas réglé, les robots et systèmes d’intelligence artificielle ne pourront pas s’imposer sur le marché. L’étude de Christapor Yacoubian montre aussi que « les sciences humaines et sociales peuvent, à l’ère numérique, contribuer à résoudre des problèmes importants », relève le jury.

Lauréat : Christapor Yacoubian

Le juriste Christapor Yacoubian a rédigé l’article récompensé dans le cadre de ses études de doctorat à l’Université de Bâle. Il a obtenu son doctorat en mai 2024. Sa thèse porte sur la responsabilité du débiteur contractuel dans le cadre de l’utilisation de systèmes numériques, s’intéressant à la question de savoir si la législation suisse en matière de responsabilité est adaptée face aux défis du numérique. 

Yacoubian, Christapor (2023) : Digitale Systeme als «Erfüllungsgehilfen» – Relevanz der fehlenden Rechtsfähigkeit? Remarques concernant le jugement 4A_305/2021 du Tribunal fédéral en date du 2 novembre 2021, in: Pratique Juridique Actuelle 4/2023, pp. 412–422.

151 candidatures issues de 25 disciplines

L’intérêt porté au Prix de la Relève de l’ASSH ne cesse de croître. Par rapport à l’année précédente, le nombre de candidatures a augmenté de 30 soumissions valables. L’histoire, la psychologie, les sciences politiques, le droit ainsi que les sciences sociales interdisciplinaires étaient les disciplines les plus représentées avec, pour chacune, entre 11 et 17 candidatures. Les candidatures provenaient de treize universités et hautes écoles suisses ainsi que d’autres universités et institutions étrangères. L’équilibre entre candidatures féminines (53%) et masculines (46%) a presque été atteint. Trois des douze finalistes n’avaient pas encore achevé leurs études de doctorat au moment du dépôt de candidature.

La remise des prix a eu lieu le 24 mai 2024 dans le cadre de l’Assemblée annuelle de l’ASSH à Genève.

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Stella Noack
Co-responsable de la communication scientifique de l’ASSH
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